Mercredi 6 mars 2024
Sorti cette nuit du Pot au noir, l’ULTIM ADAGIO a retrouvé ce matin l’Atlantique Nord* qu’il avait quitté le 17 janvier dernier. Eric Péron a dû faire preuve de patience dans cette zone de convergence où il était rentré dimanche soir et qui l’a contraint à beaucoup manoeuvrer pour s’en est extirpé après 48 heures de bagarre. Après l’éprouvante dorsale brésilienne et cette nouvelle séquence de vents faibles, le skipper va pouvoir retrouver des vitesses plus conformes à celles de son ULTIM contre l’alizé de Nord-Est.
Direction Brest qu’il devrait atteindre dans 9 à 10 jours de navigation pour parvenir à franchir la ligne d’arrivée de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest, première course autour du monde en solitaire à bord de trimarans géants.
La voix lasse hésitait entre espoir et fatigue hier soir au téléphone. « Nous sommes à 45 milles du nouveau vent de Nord-Est qui annonce l’alizé, mais on progresse péniblement. Les grains ne sont pas violents mais il y a vraiment très peu de vent. Aujourd’hui, j’ai dû faire une dizaine de changements de voile d’avant pour suivre les variations et avec la chaleur, c’est éreintant. Le pire, c’est lorsqu’on s’arrête complètement et que tout se met à claquer. Là, je marche à 8 nœuds dans 4 nœuds de vent et je croise les doigts. Il y a une barrière nuageuse à l’horizon et la délivrance devrait être derrière… », expliquait Eric Péron.
Ressources mentales
Le skipper avait vu juste car ce matin, la trace de l’ULTIM ADAGIO avait repris des couleurs, signe que le vent avait enfin basculé, annonçant l’entrée dans l’alizé de l’hémisphère Nord. Depuis 72 heures, l’ULTIM ADAGIO s’est progressivement aligné dans le sillage d’Actual Ultim 3 qui a pris la poudre d’escampette et, sauf fait de course, ne devrait pas être rejoint. La traversée de la dorsale brésilienne a été fatale aux velléités de régate d’Eric face à son camarade Antho dont il a souhaité l’anniversaire hier. « On a discuté un moment, c’était sympa. Je sais que lui aussi en a bavé dans cette remontée de l’Atlantique qui restera dans les annales pour sa lenteur. Quand tu fais une journée à 50 milles sur la route, il faut être solide pour ne pas craquer, comme le racontait Armel (Le Cléac’h) à son arrivée… ».
La recette d’Eric face à l’adversité ? Faire le tour de la maison, vérifier les ancrages, les lashings, pulvériser un peu de dégrippant sur les pièces en friction… et se dégourdir les méninges avec un bon bouquin, histoire de ne pas trop gamberger. « Avec la chaleur avant-hier, je ne pouvais pas dormir, alors je me suis installé sur le pouf dehors et j’ai terminé un bouquin de Jean-Paul Dubois (Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon) qu’on m’avait offert avant le départ. Je ne suis pas un grand lecteur mais ces personnages qui se battent pour exister m’ont bien plu. Je l’avais commencé vite fait dans le Pacifique et je l’ai avalé dans la nuit entrecoupée de petits réglages. »
L’ULTIM ADAGIO de retour dans son jardin
Et côté nourriture ? « Je n’arriverai pas trop maigre à Brest mais c’est vrai que c’est difficile de trouver du goût aux plats chauds dans ces conditions tropicales. Du coup, je me suis rabattu sur le grignotage et le sucré mais c’est un piège car c’est dur de s’arrêter ! »
Lancé de nouveau à plus de 16 nœuds plein Nord, Eric Péron attaque maintenant la dernière étape de son tour du monde avec un peu de plus de 3000 milles à parcourir jusqu’à Brest. Seront-ils les plus longs ? « Tout le monde commence à me parler d’ETA** et c’est vrai que ça sent la fin. Mais à la fois, je suis bien sur mon trimaran, c’est devenu ma maison. Je redoute aussi un peu la navigation dans la brise au reaching contre l’alizé sur un bateau éprouvé par un tour du monde. L’accastillage et les bouts sont fatigués, il va falloir être vigilant dans cette nouvelle phase et je préfère ne pas trop me projeter », confiait Eric à propos de ce dernier tronçon. Une navigation tout en tribord amures (vent venant de la droite), avec le contournement de l’archipel des Açores grâce à l’alizé, puis, toujours sur le même bord, le grand arc de cercle vers Brest dans un vent qui tournera progressivement au Sud dans un système perturbé mais maniable.
* L’ULTIM ADAGIO a passé l’équateur dans le sens Sud Nord cette nuit à 2h 55min 10s heure de Paris, après 58 jours 13 heures 25 minutes et 10 secondes de course.
** Estimated Time of Arrival
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