Après Bonne Espérance le 29 janvier, Eric Péron vient de doubler le cap Leeuwin ce vendredi, deuxième des trois balises que compte le grand Sud. Longeant la porte des glaces à bonne distance de l’Australie, le skipper de l’ULTIM ADAGIO commence à se projeter dans le Pacifique, laissant peu à peu dans son sillage un océan Indien qui lui a décoché quelques flèches inattendues. Le bizutage est maintenant terminé. Voilà 36 heures que le grand trimaran évolue dans son élément, au milieu des albatros et sur l’avant d’une belle dépression australe, un système météo qui devrait l’accompagner jusqu’à la longitude de la Nouvelle-Zélande en début de semaine prochaine.
C’est un Indien déguisé, une mauvaise parodie que décrivait la nuit dernière Eric Péron en revenant sur sa dernière semaine de course. « Je m’attendais aux cinquante nuances de gris, aux lumières basses, au froid et j’ai fait les trois quarts de l’océan Indien sous 20 degrés de température ! » Heureusement, ce drôle d’été est terminé car il n’était pas vraiment du goût du skipper de l’ULTIM ADAGIO, contraint de rallonger considérablement sa route depuis Cape Town sur une sinusoïde pas vraiment écrite au départ. Eric explique : « Il y a eu d’abord cet anticyclone qui nous a ralentis et empêchés de plonger au Sud, puis la dépression tropicale qu’il a fallu négocier par le Nord. La mer croisée était vraiment pénible, usante pour la plateforme. Je suis resté au contact du front assez longtemps, il a fallu l’accompagner vers le Sud pour conserver du vent. J’ai même dû freiner à certains moments car dans l’Est, la dépression avait asséché le plan d’eau et il ne fallait pas se planter là dedans. C’est très ambivalent le sentiment que ça procure. Pendant plusieurs jours, ce n’était vraiment pas drôle avec beaucoup de manœuvres et des conditions très inconfortables… J’ai pas mal échangé avec Armel (Le Cléac’h) qui en est à son quatrième tour du monde. Il me confirmait que l’Indien, c’est toujours compliqué, plein de surprises. J’espère que le Pacifique sera plus franc ! »
Tout droit, tout schuss !
Pour l’heure, le skipper de l’ULTIM ADAGIO profite des conditions revenues à la « normale ». Après avoir mâché son pain noir, le trimaran savoure la houle australe bien rangée devant le front chaud qui le propulse à la vitesse du vent. « Sur les routages, j’ai un tout droit de presque six jours devant moi, avec peut-être un empannage au milieu, je n’ai jamais vu ça ! » s’exclamait le skipper hier, navigant à 120° du vent dans 25 nœuds, des conditions propices à ses plus belles moyennes depuis le départ de Brest le 7 janvier. « Je n’ai jamais eu 24 heures continues dans de bonnes conditions. Là, c’est vraiment l’idéal pour aligner les milles. Le bateau est à plat, l’allure confortable même si au delà de 30 nœuds, tout se met à vibrer là-dedans ! A cet angle-là, ça ne sert à rien de surtoiler, la puissance et la longueur parlent d’elles-même. »
Les températures ont bien baissé à bord de l’ULTIM ADAGIO mais restent très supportables, avec une dizaine de degrés dans l’habitacle où Eric dit se tenir « debout, de longues heures, accroché à la main courante, comme dans un bus, à regarder défiler l’horizon ! ». De temps en temps, le trait de plume d’un albatros s’invite sur la carte postale. Les ambassadeurs du grand Sud ne sont pas une découverte pour Eric qui en avait vu beaucoup lors de son expédition en Patagonie avec les surfeurs de Lost in the Swell en 2020. Mais ils restent toujours un sujet d’étonnement : « J’ai vu beaucoup d’oiseaux, notamment des pétrels au début de l’Indien, qui sont déjà d’assez grandes bestioles. Mais là, c’est une autre échelle. Il y a la taille bien sûr, mais surtout cette attitude figée, sans battement d’aile, tout à l’économie. Ça leur donne un air supérieur …»
Bientôt le Pacifique…
A un peu plus de 1600 milles derrière Actual Ultim 3 (Anthony Marchand), l’ULTIM ADAGIO continue d’écrire sa partition dans cet ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest. « A part Charles (Caudrelier), tout le monde s’est arrêté et ce n’est facile pour personne. On s’accroche et on ne lâche rien car la route est encore longue », concluait la nuit dernière le skipper.
Après 32 jours de mer, Eric n’en est pas tout à fait à la moitié de ce tour du monde entamé le 7 janvier. Il n’a jamais été aussi loin de Brest et commencera à s’en approcher de nouveau à la longitude de la Nouvelle Zélande, celle-là même qui marque l’entrée dans le Pacifique. Un changement d’océan prévu dans la nuit de lundi à mardi prochain.
Cap Leeuwin -
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