« La météo est encore un peu orageuse avec de petits grains mais le vent est de nouveau établi et nous marchons à plus de 20 nœuds. Les grains vont s’espacer, le vent va adonner et ça va être reparti pour de la glisse à bonne cadence ! », racontait d’une voix claire et unie Eric Péron hier soir. A 19h30, il avait vu la lettre S remplacer le N sur son GPS et la latitude croître à nouveau dans ce nouvel hémisphère, avec une petite offrande à Neptune à la clef. Champagne ? Soda ? Non chocolat, une denrée visiblement plus précieuse aux yeux du skipper !
La fortune du Pot
Le laborieux passage du Cap Vert était donc bien le pain noir de cette première partie d’ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest pour l’ULTIM ADAGIO. Au lieu de doubler sa peine, l’équateur météorologique s’est montré particulièrement clément. Le trimaran d’Eric n’a ralenti en dessous de 10 nœuds qu’une paire d’heures cette nuit, restant régulièrement entre 12 et 15 nœuds en passant d’un nuage à l’autre avec agilité. « De mes six Pot au Noir, c’est clairement le plus facile que j’ai traversé. Pendant la Volvo Ocean Race, ça avait été un enfer, on était resté dedans trois jours. Là, en 36 heures, c’était plié, même si les orages ne cesseront vraiment que demain. J’ai pu faire quelques siestes car le radar qui me permet de voir les grains est efficace jusqu’à 20 milles, ce qui laisse une petite heure de répit. J’ai à nouveau dormi aujourd’hui et là, je suis à fond ! » commentait l’intéressé, pas fâché de laisser le passage critique derrière lui.
Trois derniers jours d’été !
Eric se projette maintenant sur le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène qui devrait lui réserver une route un peu plus tendue et économe en milles que celle de ses prédécesseurs, contraints de faire le grand tour pour aller chercher une première dépression à la latitude de Rio de Janeiro. De son côté, Eric devrait conserver un cap plein Sud, sur un couloir décalé d’une centaine de milles à l’Est de la route suivie par Anthony Marchand (Actual Ultim 3). Sorti au près bon plein du Pot au Noir, le bateau va voir le vent adonner pour passer au travers puis au largue et pourra mettre petit à petit de l’Est dans sa route, échappant par là même à un deuxième anticyclone qui s’installe ce week-end sur le Brésil à la latitude de Sao Paulo. « On table sur une trajectoire un peu plus directe, comme on l’a fait au début et en faisant gaffe de ne pas se coller trop aux hautes pressions confirme Eric. Je vais profiter de ces trois derniers jours d’été pour continuer le check du bateau que j’avais commencé avant le Pot au Noir. Après, ce sera plus difficile de se déplacer sur le pont ! »
Parmi les bonnes nouvelles, le démontage complet et la réparation de l’hydro générateur, conforte le skipper avant d’affronter des latitudes plus hostiles. Cette deuxième source d’énergie permet quasiment à l’ULTIM ADAGIO d’être autonome en énergie quand la vitesse dépasse 20 nœuds, ce qui devrait être le menu des prochains jours.
Le besoin de se comparer
Sur le plan sportif, l’isolement du bateau, qui n’a rien pu faire face à l’envolée des leaders, fixe à Eric de nouveaux objectifs. « J’ai inscrit au marqueur quelques temps de référence de bateaux identiques au mien sur le record du Tour du monde, à commencer par celui de Thomas (Coville NDR) en 2016 sur ce même trimaran. Comparer les temps sur l’Atlantique Nord n’avait pas beaucoup de sens puisqu’en mode record, tu as la visibilité sur ces dix premiers jours de course et que de notre côté, nous n’avons pas été gâtés. Là, on se retrouve sur des segments où même si tu n’as jamais exactement la même météo, les chronos des autres restent de bonnes références pour s’étalonner. Je reste sur mon objectif initial : ne pas faire de bêtise mais être fier de ma course et de la manière dont je mène le bateau. »
|