Si l’ULTIM ADAGIO a signé la trace la plus directe des six ULTIM dans l’Atlantique Sud, la descente vers l’océan Indien aura été laborieuse pour Eric Péron, pas fâché de renouer avec des vitesses dignes de son trimaran depuis hier soir.
« Après le Pot au Noir, le scénario s’est déroulé à peu près comme prévu, sauf que le vent était un cran en dessous des fichiers avec beaucoup de zones de molles et d’orages. Ce n’est sans doute pas visible sur la cartographie, mais j’ai dû pas mal bosser pour maintenir des vitesses moyennes entre 10 et 15 nœuds. Maintenant, on déboule à plus de 25 nœuds sous grand gennaker et un ris dans la grand-voile et il va falloir s’habituer à ce nouveau rythme … »
Une feuille blanche teintée de gris
C’est bel et bien une autre aventure qui s’ouvre désormais pour le skipper de l’ULTIM ADAGIO, qui devrait couper la longitude du cap des Aiguilles samedi à la mi-journée pour rentrer officiellement dans l’océan Indien. Une découverte pour Eric qui, malgré un CV nautique éclectique et bien rempli, n’a jamais traîné dans ces parages. « J’ai navigué dans l’Indien lors de la Volvo Ocean Race mais à des latitudes beaucoup plus Nord puisque nous allions vers l’Asie depuis Cape Town. Les latitudes Sud vers lesquelles nous filons, c’est ma grande découverte. Jusqu’à maintenant, j’avais des repères et des images de chaque tronçon du trajet. Là, c’est une feuille blanche ! »
Ou grise, comme le ciel qui s’est chargé en avant du petit front froid qui propulse sur un étroit couloir le trimaran à bonne vitesse. La température a commencé à baisser mais rien de méchant, « comme une soirée d’été dans le Finisterre ! » plaisante le skipper.
Conscient de sa chance avec ce vent à l’angle optimum sur une mer bien rangée, le skipper sait que les conditions ne vont pas rester stables pour autant et que les Quarantièmes ne vont pas s’apparenter à une longue glissade. S’il maintient un bon rythme, Eric pourrait profiter du dos de la dépression encore 24 heures, mais il devra pas mal manœuvrer dans sa traîne pour rester sur la route. Et c’est ensuite du près qui pourrait le cueillir à l’entrée de l’océan Indien, un anticyclone barrant la route du trimaran à partir de samedi, centré à la longitude de Cape Town. « Les phénomènes vont très vite et redistribuent le vent en peu de temps. Dans notre optique de ménager notre trimaran pour boucler ce tour du monde, ce n’est pas un scénario très confortable car chaque changement de conditions suppose des manœuvres. Et c’est leur multiplication qui fait encourir le plus de risques matériels pour le bateau ».
Le Sud et ses risques
Après 17 jours passés en mer, Eric Péron est conscient que le plus dur est à venir : « Nous en sommes à peine au tiers de la course, je prends conscience du temps long. Depuis Brest, la plus grosse émotion que j’ai eu à vivre a été … le départ. Je sens que ce chapitre qui s’ouvre va être plus riche côté maritime. Les émotions viendront à chaque défi qu’il faudra relever. Je commence à avoir de bons réflexes sur le bateau et je me débrouille pas mal dans les manœuvres, je me sens prêt », confiait ce matin le skipper quelque part dans le Sud de Tristan da Cunha, archipel britannique considéré comme le plus isolé du monde.
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