facebook

linkedin

youtube

instagram

fren
Mon panier
Aucun article
>
logo-frenchtouch-oceanclub.fr
» » ITV MAG : SANTÉ MAGAZINE
jeudi 17 septembre 2020

# ITV MAG : SANTÉ MAGAZINE

MENS SANA IN CORPORE SANO


 

Un corps sain dans un esprit sain ! Telle pourrait être la devise des coureurs au large. A bord, dans un environnement instable, le temps s'étire et les journées font réellement 24 heures, séquencées par des manœuvres, des réglages, la météo, l'établissement de la stratégie, la communication : les tâches ne manquent pas à bord et nécessitent d'être en parfaite condition physique et mentale. En plus de gérer le bateau, il faut avant tout savoir se gérer soi-même.
Prépa physique, nutrition, sommeil, comment se prépare-t-on à une course au large ? Eric partage avec nous ses petits secrets... 

 

 

Eric, les skippers sont des sportifs de haut niveau : comment te prépares-tu physiquement à tes navigations en solitaire ? 
On peut considérer certains skippers comme des athlètes de niveau, ils mettent leur corps au service de leur performance. D'autres, l'ancienne génération, sont moins regardants sur ce côté performance par le corps. Malgré tout, pour moi, il y a une constante : rester solide ! Ça veut dire qu'en toute circonstance, déséquilibré ou fatigué, je dois ne pas me blesser. Là encore, il y a deux approches : soit je consolide le corps pour lui permettre d'encaisser des efforts violents ; soit, à l'opposé, je privilégie l'anticipation maximale pour préserver le bonhomme. Je me situe au milieu ! 
J'aime le sport, y aller n'est jamais une contrainte ou un effort. J'en pratique sous différentes formes et plutôt de façon ludique. Le surf, ou la planche à voile présentent l'intérêt de continuer le développement du sens marin et des prises de risque face aux éléments. Le VTT fait travailler le cardio, les sensations de vitesse et permet de cultiver l'adrénaline. Et puis, il y a le ski aussi parce qu'en général, quand les marins vont au ski, c'est souvent sans les remontées mécaniques, genre rando avec les peaux de phoques, c'est super physique ! 

En complément, je suis les séances de prépa physique au Pôle Finistère Course au large, ce qui permet aussi de pas mal échanger avec les autres skippers.
Le côté entrepreneurial du projet m'a pris beaucoup de temps cet hiver, j'ai été un peu moins assidu en préparation physique, mais heureusement le programme reprend dans peu de temps avec du cardio, du renforcement musculaire et lombaire pour ne pas me faire mal en dos, en portant, mâtossant ou en restant des heures à la barre. Je serai donc près pour le Rhum. 

 

 

 

Pour tout cela il faut du carburant : tu manges quoi à bord et sous quelle forme ?

Pour ce qui est de l'alimentation, j'aime bien garder le rythme terrien de deux repas et demi par jour. Je ne sais pas pourquoi, le petit déj ne m'éclate pas vraiment en mer, par contre je prends 2 bons repas avec des plats appertisés (sous vide et stérilisés) et des collations entre les repas : fruits, fruits secs, graines, et des biscuits. C'est un peu l'arme absolue du marin, le biscuit, il faut juste réussir à le garder au sec !

Pour les plats, j'ai un petit faible pour les tajines ou le canard confit. C'est marrant parce que ce sont des choses que je ne mange pas à terre. Depuis 2 ans, je collabore avec Eric Guérin [chef étoilé du restaurant La Mare aux oiseaux]. Il me prépare des plats avec des saveurs locales et peut-être un peu oubliées, des graines, des pois, du sarrasin. Là j'ai découvert le houmous un peu épicé, j'adore ! Il faut que j'en commande d'ailleurs !? Et, je ne sais pas pourquoi, mais quand j'ai un faim de loup, je mange du cassoulet !

Je n'ai pas de suivi diététique particulier, j'essaye d'écouter mon corps, de varier beaucoup mon alimentation. Après 20 ans de course au large, on a nos petites habitudes et surtout on sait ce qui ne passe pas, quand c'est trop chargé, trop lourd et j'évite certaines saveurs en mer : le saucisson, par exemple ça, ça ne passe pas ! 
J'essaye de faire attention à bien me nourrir parce que j'ai eu des manques sur certaines courses, comme par exemple sur la première étape de la Volvo Ocean Race où j'avais perdu 6kg ! 

 

 

Et puis il faut se reposer ; Comment gères-tu ton sommeil à bord ? 
On a besoin d'un minimum physiologique de 4 à 5h de sommeil par jour qu'on répartit sur les 24h par tranches d'environ 20mn. En solitaire, le sommeil est toujours un peu délicat à gérer, mais là encore, j'ai suivi pas mal de formations au Pôle Finistère Course au large. Dans certaines conditions, tu ne peux pas aller dormir parce que ça pourrait nuire à la performance. C'est le cas si tu attends une bascule, une rotation, le passage d'un front par exemple ou s'il n'y a pas de vent du tout ! C'est souvent dans le petit temps que les écarts se font. Là, on a une activité cérébrale immense et tous les sens en éveil pour essayer de sentir le moindre souffle de vent et faire marcher le bateau au mieux. 
En revanche, un vent soutenu ou régulier est assez propice au sommeil. On s'assure que le bateau puisse aller vite tout seul, là on peut aller s'assoupir entre 15 et 20 minutes. C'est juste le temps qu'il faut pour se reposer sans faire descendre le tonus musculaire à son maximum et se réveiller en un claquement de doigt ! 

Si possible, on enchaîne les siestes : je me couche pour 17 minutes, réveillé soit par le timer, soit par une alarme du bateau, je vérifie l'environnement du bateau, les réglages et autres paramètres, et si tout est ok à bord, avec des conditions stables, je retourne à la sieste.

Il y a un truc paradoxal, c'est qu'on sait que les écrans sont mauvais pour le sommeil, et nous en mer, on en fait vraiment beaucoup : afficheurs ou ordinateur pour vérifier les datas, étudier la météo ou établir sa route... Bref, on est vraiment des mauvais élèves en termes d'écran. 

Est ce que tu as déjà eu des hallucinations et en as-tu une rigolote à raconter ?

Ah ah oui ça m'est arrivé plusieurs fois ! Souvent, chez moi, ça commence par des hallucinations auditives : il suffit d'un bruit parfois pour que mon oreille l'associe à une musique … Après, c'est parti, la radio est allumée, enfin... juste dans ma tête ! 
Le stade d'après est visuel. De la même manière, une vague, une algue ou un nuage avec une forme particulière, peuvent se transformer en bonhomme ou en un truc connu. Je me rappelle avoir cherché un chat dans mon bateau parce qu'un bidon d'essence posé sur un rail ressemblait à une silhouette de chat. Je m'étais mis en tête qu'il y avait un chat à bord, donc je l'ai cherché partout ! J'ai appris au fur et à mesure de ma carrière à gérer tout cela, à avoir des sortes d'alertes.

Le corps est comme une batterie qui ne fait que se vider tout au long de la course. Le problème c'est qu'on ne peut pas la recharger en course, il faut donc bien la charger avant le départ et l'économiser ensuite tout au long de la compétition. Il ne faut pas faire de zèle non plus parce que, si on tire trop, la lucidité se perd et les bêtises arrivent, inattention, faute de stratégie, voire pire.... 
En trimaran, la lucidité, donc le repos, sont encore plus importants pour la sécurité. Le fait d'avoir du routage, [une cellule à terre qui travaille aussi la météo et la stratégie et échange en permanence avec le skipper sur les éventuelles options à prendre], enlève un peu de poids, de pression ou de charge mentale pour se concentrer vraiment sur le pilotage.

 

As-tu des " trucs " spécifiques pour ta récupération entre les courses ? 
Chacun a un temps de récupération qui lui est propre. Moi je reprends tout de suite un rythme classique de "terrien" : souffler, bien m'étirer, bien dormir évidemment mais sans passer ses journées au lit. Entre deux courses, comme sur la Solitaire du Figaro par exemple, on essaye de recharger la batterie au plus vite même si le curseur n'est pas au maximum. Celui qui arrive,sur un enchaînement d'étapes, à recharger plus vite est souvent plus frais, et plus performant. 
Typiquement, là, je suis à la maison, [notre interview a été réalisée dans la semaine entre le Pro Sailing Tour et la Drheam Cup] pour un retour au calme. J'essaye de couper le téléphone, ce qui n'est pas évident parce que je continue à gérer le projet, gérer les sollicitations et rester proche de mon équipe. Mais, là, juste ce soir, je vais essayer de tout couper et d'aller me relaxer en comptant mes moutons ;-)

 

 

 



 

 

 

Nous vous recommandons
L’administrateur du site est actuellement en ligne! Discuter