AUTONOMIE, CONFIANCE, AGILITÉ
" I had a dream " Eric Péron aurait pu faire sienne cette célèbre phrase de Martin Luther King. Avoir un rêve, celui d'être marin, ne se suffit pourtant pas à lui-même. Pour construire ce rêve, cette vision, il faut aussi l'incarner pleinement, la propulser, la partager, savoir entraîner avec soi et à ses côtés des compétences complémentaires. Être marin, coureur au large, nécessite de réunir de nombreuses casquettes, expertises, à commencer par celle de chef d'entreprise et de manager. Comment Eric s'est-il forgé, construit dans ce rôle ? Comment fonctionne son équipe ? Entretien....
Comment s'est construit ton côté "Entrepreneur - Manager" dans le temps et au travers de tes différentes expériences ? Je crois que j'ai eu très tôt et presque naturellement cette fibre d'entrepreneur/ manager. Dès mes années d'olympisme, avec mon frère, en 470, (je devais avoir entre 16 et 20 ans), c'est moi qui gérais les budgets, la logistique, me chargeais d'aller chercher des sponsors, des partenaires techniques. La démarche s'est logiquement poursuivie quand je suis passé en Figaro, puis tout au long de mon parcours. Vivre de sa passion est bien-sûr très exaltant mais pas toujours facile : il faut se donner les moyens pour réussir, avant tout, en finançant ses projets. Cela impose dans tous les cas de développer ses compétences d'entrepreneur : chercher des solutions, convaincre, partager ses expériences, sa vision, sa passion...
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Comment s'organise, fonctionne l'équipe qui travaille avec toi ?
On a un cocon central, composé de 4 personnes : Christophe Boutet (chef de projet), Fanny Evenat (responsable des partenariats) et Aurélie Aubron (en charge des vidéos et réseaux sociaux) et moi-même. Chacun a sa propre société mais roule ensemble pour notre projet.
Ce cœur de projet est renforcé, agrégé par des prestataires et indépendants qui travaillent soit à la pige, soit sur un suivi à plus long terme. On pourrait citer par exemple les membres de ma précieuse équipe technique avec le boat captain, Damien Le Texier, assisté d'Elliot Le Dem ou encore l'équipe communication, sans compter tous les prestataires techniques. Je n'oublierais pas ici les adhérents du French Touch Ocean Club, et notre sponsor, Komilfo.
J'ai donc bien un rôle de manager de projet bien que nous n'ayons pas de salariés. Même si tout le monde est indépendant, ça reste quand-même une équipe, composée de nombreuses personnes et d'autant d'individualités. Le plus important pour moi, c'est que tous mettent leur pierre à l'édifice, avec un objectif commun : celui de la réussite du projet dont j'ai la barre !
Ce que j'apprécie énormément, c'est l'implication de chaque membre de l'équipe. J'aime que les gens se prennent en main au sein de mon aventure. De mon côté, j'ai une perception de ce qu'il faut faire, des objectifs à atteindre et chacun va venir agréger cette vision avec ses propres qualités et compétences. C'est important ici que chacun trouve sa place dans le projet.
Quel est ton type de management, de gouvernance (participatif, collaboratif ) ?
Ah ah je crois que j'aurais du mal à entrer dans une case. Tout cela évolue et se modifie en fonction du ou des projets qui eux-mêmes évoluent en permanence : j'ai eu des associés, j'ai été "skipper - pilote" dans mon expérience avec la MACIF, j'ai également été équipier ou skipper – chef de projet....
Le maître mot a toujours été l'adaptabilité, qui conduit, à mon avis, à l'agilité. Le plus important, pour moi, c'est d'être efficace et de privilégier l'anticipation.
Dans nos projets de course au large, nous n'avons pas une vision entrepreneuriale à 20 ou 30 ans ; on est plutôt sur des projets à moyen terme, 6 ans max, ce qui change, de fait, la vision entrepreneuriale. Déjà, lorsqu'on arrive à voir clair sur une telle période, c'est probablement qu'on est sur la bonne voie ! Mais il est aussi fort probable que le chemin qu'on s'était prédit il y a 6 ans, ne soit pas du tout celui que l'on a, au final, emprunté.
Est-ce que ton équipe fonctionne comme un équipage à bord d'un bateau ?
Effectivement, on essaye de fonctionner comme sur un bateau où chacun est en charge de son poste, peut aussi être force de proposition et où, dans tous les cas, la décision finale me revient. Dans ce projet Ocean Fifty, les temps de brainstormings sont très importants : je surveille de très près tout ce qui me tient à cœur, et sur d'autres domaines, pour lesquels je n'ai pas ou moins de compétences, je laisse faire les gens, en autonomie, aller vers ce qu'ils pensent être bon pour le projet. J'aime aussi travailler dans cet esprit de confiance ! Forcément, comme pour tout il y a parfois des ratés, des moments où je ne suis pas content, mais aussi de très belles surprises !
Est-ce que ton expérience sur la Volvo par ex est source d'inspiration pour la gestion de ton projet ?
C'est sûr que d'avoir intégré d'autres formes de projet comme la Volvo Ocean Race [course en équipage autour du monde sur 9 mois avec 8 équipiers à bord - ndlr] par exemple est très inspirant. Cela donne des clés de compréhension en termes de cohésion d'équipe, d'unité, de coopération et amène aussi à percevoir plus clairement les limites de l'exercice.
Je me nourris également des rencontres que je peux avoir avec nos partenaires et les chefs d'entreprises qui m'entourent. Finalement, je me renseigne sans arrêt, j'essaye de comprendre ce qui se fait, comment les entreprises fonctionnent, s'articulent. A travers le French Touch Ocean Club, j'ai accès à tous ces parcours, toutes ces expériences qui sont autant variées que riches. J’apprends donc beaucoup en termes de management et nous sommes accompagnés sur ce sujet par Yves Estevenon (Dirigeant de Yes Accompagnement) qui vient nous conseiller régulièrement.
Comme quoi, même dans ce domaine du management, je m'entraîne finalement comme dans toutes les strates du projet !
Quelles sont pour toi, les compétences, qualités requises pour être un " bon manager "? Quelles valeurs te portent ? Quelles difficultés et quelles satisfactions cela t'apporte-t-il ?
C'est compliqué de répondre à ces questions parce qu'il est difficile, à mon sens, d'être complètement sûr de soi dans ces domaines pour lesquels il faut sans cesse se remettre en question et ne jamais dormir sur ses acquis.
Au-delà de tout, la valeur centrale reste l'humain : essayer de faire en sorte que chacun puisse s'épanouir de manière individuelle et collective. Toute la difficulté de l'exercice c'est justement, au milieu de ces individualités, de savoir donner le bon ton, le juste diapason. Le fait d'avoir beaucoup d'intervenants ne rend pas toujours la partition facile à accorder, mais je me fais, encore une fois, beaucoup aider dans ce domaine.
Ma grande satisfaction c'est que les projets se réalisent, qu'on travaille ensemble de manière honnête, constructive et que chacun soit content de ce qu'il a fait, de ce qu'on a fait, en ayant réussi à surmonter nos craintes, nos difficultés ensemble ; je trouve ça super épanouissant !